Le Collectif 3R regroupe les associations Passerelles, CLCV Ivry, Attac Ivry-Charenton, Les Amis de la Terre, Quatraire, A Suivre, et Agir à Villejuif, avec le soutien de Zero Waste France.

Le Collectif 3R s'oppose au projet du SYCTOM de
reconstruction de l'usine de traitement des ordures ménagères d'Ivry-Paris XIII, projet centré sur l'incinération, et demande un projet alternatif basé sur la réduction, la réutilisation et le recyclage des déchets.

dimanche 11 avril 2010

Pour un projet alternatif au projet présenté par le SYCTOM

Nous avons adressé un courrier à M. Gosnat, Maire d’Ivry-sur-Seine et à ses 45 conseillers municipaux  qui seront appelés, lors du  Conseil Municipal du 15 avril 2010, à s’exprimer et à voter sur le projet de reconstruction de l’usine de traitement des déchets Ivry-Paris 13. 
Vous pouvez télécharger le dossier du collectif 3 R en cliquant ici.

Nous sommes un groupe de 7 associations environnementales, citoyennes, du cadre de vie, et d’habitants d’Ivry-sur-Seine et des environs, regroupés dans le COLLECTIF 3R qui met l'accent sur les larges capacités de réduction, de réutilisation, et de recyclage des déchets  en Ile de France et le retard de la Région en la matière.
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Nous avons été des acteurs majeurs du Débat Public organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) sur le projet de reconstruction du centre de traitement des déchets d’Ivry-sur-Seine-Paris 13. Ce projet inclut la reconstruction de l’usine d’incinération pour 350 000 tonnes et la construction d’une nouvelle usine de méthanisation de 250 000 tonnes avec tri mécano-biologique des déchets[1] à l'horizon 2019 et 2023.

Nous avons participé à l’ensemble des réunions publiques officielles et au groupe de travail multi-acteurs sur les études préalables ayant conduit à la définition de ce projet par le Syctom. Plusieurs des associations ont par ailleurs rédigé un cahier d'acteur[2]. Nous avons également contribué à mieux informer les habitants d'Ivry en organisant 2 réunions publiques associatives, des interventions à la demande d'associations, l'envoi de communiqués de presse, et des entretiens avec la presse locale et nationale (Le Parisien, Libération, Actu-environnement.com, etc.).


La CPDP a conclu ses travaux le 19 février dernier en constatant la faiblesse de la participation du public à ses réunions qui se sont échelonnées depuis le 22 septembre jusqu'au 14 décembre 2009.  Ce manque de mobilisation est effectivement inquiétant pour un projet qui nous engage tous jusqu'en 2060, puisque ces usines sont construites pour une quarantaine, voire une cinquantaine d'années.

Cette faible participation s'explique aussi par l'absence d'intérêt apparent manifesté par de nombreuses communes du SYCTOM pour le débat de la CPDP, et notamment par la commune d'Ivry sur Seine, qui n'a pas souhaité en faire un thème majeur de sa communication publique lors du Débat. Ainsi de nombreuses personnes pensent encore que l'usine doit être détruite et déplacée, ou que le projet a déjà été voté et validé, ou que si on cache les cheminées ou le panache dans l'avenir, on supprimera également le rejet de produits polluants dans l'atmosphère!

Ce projet nous inquiète à plusieurs titres :



1-  Ce projet est très lourd financièrement :

- Même si à Ivry la taxe d'enlèvement sur les ordures ménagères n'apparaît pas dans la taxe foncière ou dans les charges comme c'est le cas ailleurs[3], le coût du traitement des déchets du Syctom a été multiplié par 7 en 20 ans[4] : les mises aux normes nécessaires des incinérateurs ont été très coûteuses et celles à venir ne manqueront pas d'augmenter encore les coûts d'exploitation. La Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) s’applique pour la première fois cette année sur les incinérateurs.
- Avec un endettement multiplié par 6 en moins de 10 ans, s’élevant à 667 millions d’euros, le Syctom atteint déjà un ratio d’endettement important, plus de 200% de ses fonds propres (recettes de fonctionnement). Cet endettement va encore doubler dans les prochaines années si le projet d’Ivry se concrétise (près d'1 milliard d’euros dont 80% à financer par l’emprunt)[5].

2-  Sur le plan sanitaire et environnemental, ce projet présente des risques:

L'incinération
- Contrairement à ce qu'on croit, l'incinération est productrice de déchets[6]; 1/4 de ce qui rentre dans l'incinérateur ressort sous forme de mâchefers plus ou moins pollués et dangereux, et sous forme de REFIOM très toxiques qui terminent en décharge[7].

- Si des progrès réels ont pu être réalisés pour limiter les rejets de dioxines chlorées, de nombreux rejets de l’incinérateur restent encore non étudiés quant à leur impact sur la santé. Des polluants nouveaux apparaissent tous les jours avec l'utilisation de nouvelles molécules dans notre quotidien. L'affirmation selon laquelle ce qui s'échappe des cheminées actuelles est composé de 99% de vapeur d'eau fait partie d'une campagne de désinformation organisée[8].

- La diminution du tonnage incinéré de 700 000 tonnes à 350 000 tonnes dans la future usine d'incinération n'est qu'apparente. Ce qui sera brûlé demain sera de la FCR, (fraction combustible résiduelle)[9] et non le tout venant des ordures ménagères d'aujourd'hui. Il s'agira en fait de déchets concentrés de plastiques et de cartons souillés, après élimination de la fraction fermentescible (les déchets verts et déchets de cuisine) qui sera méthanisée. Il s'agit d'une nouvelle génération d’incinérateurs dont on découvrira peut-être dans 20 ans tous les effets néfastes non anticipés à ce jour, comme cela a été le cas systématiquement par le passé[10].

Tri mécano-biologique et méthanisation
- Le projet de Tri mécano-biologique ou T.M.B. consiste à trier le tout venant de la poubelle collectée, par des procédés mécaniques et chimiques, pour séparer les fermentescibles pour la méthanisation (production de bio-gaz et de compost), et  les FCR pour l'incinération ou la mise en décharge.
- Le compost produit avec ce procédé est de qualité très médiocre, les agriculteurs s'en plaignent et il ne trouve pas preneur: il comporte malgré le tri, des bouts de plastiques, de métaux et des toxiques qui n'ont pas pu être séparés (piles, etc…).
- Il est préférable de procéder à la méthanisation à partir d'une collecte séparée des bio-déchets, comme cela se pratique de plus en plus (à Lille, par exemple) et comme le Grenelle 2 l'a préconisé. Cette collecte peut commencer par la collecte des "grosses sources" (restaurants, hôpitaux, écoles, etc) mais certaines communes pratiquent aussi déjà la collecte des bio-déchets en poubelle dédiée chez l'habitant.
- En zone urbaine, la méthanisation fait peser des risques de nuisances importantes pour les riverains: les grosses unités de méthanisation construites en France récemment souffrent de défauts de confinement, et posent des problèmes d'odeurs et d'hygiène aux habitations alentour (Montpellier). Il faudra attendre la mise en service de l'unité de Romainville en 2013 pour juger des progrès faits en la matière.
- De plus, en zone urbaine dense, comme va le devenir le quartier Masséna-Bruneseau, la méthanisation est limitée par les risques d'explosion: ainsi le stockage du bio-gaz est limité à 10 000 tonnes dans cette zone, ne permettant pas aux 490 000 tonnes d'ordures ménagères résiduelles entrant dans le T.M.B. un rendement optimum. A Ivry, on méthanisera deux fois moins qu'à Romainville. Ainsi, le Syctom choisit de produire deux fois plus de FCR à Ivry qu'à Romainville… pour alimenter l'incinérateur.[11]

3. Ce projet comporte des partis pris, des erreurs, des omissions, et des aberrations :




- Le dimensionnement de l'unité d'incinération a été calculé à partir des besoins du chauffage urbain[12]
- le dimensionnement et la localisation ne tiennent pas compte de l'existence d'usines d'incinération en surcapacité dans un rayon proche d'Ivry[13]
- le dimensionnement repose sur des chiffres du PREDMA eux-mêmes basés sur les chiffres erronés d'Eco-Emballages[14]
- la baisse du tonnage incinéré n'est qu'apparente: 350 000 tonnes de FCR brûlés correspondent à 890 000 tonnes d'ordures ménagères résiduelles collectées (à comparer aux 690 000 tonnes d'aujourd'hui qui comprennent déjà 100 000 tonnes venant de Romainville, l'usine d'Ivry étant en surcapacité par rapport à son bassin versant depuis 1999 environ)
- la baisse apparente du tonnage incinéré masque en fait une extension de la collecte de 82% vers le bassin versant de Romainville et Blanc-Mesnil et Aulnay sous Bois. La nouvelle usine drainera les déchets du bassin versant d'Ivry mais aussi du bassin versant de la Seine Saint-Denis[15]
- la méthanisation à Ivry est limitée par la limite du stockage du gaz en zone urbaine dense. Le T.M.B. et la méthanisation cachent en fait la production de FCR pour alimenter le futur incinérateur.

Le Syctom justifie cette extension du domaine de collecte par le principe de solidarité des territoires du Syctom pour diminuer la mise en décharge. Nous constatons que les habitants d'Ivry sont solidaires depuis le début du siècle des communes de leur bassin versant et qu'ils ont largement pris leur part de la pollution qui s'est déversée par les cheminées de la plus grosse usine d'incinération d'Europe depuis 1969. A cette solidarité nous opposons le principe d'équité territoriale et le principe de proximité. Nous pensons qu'il est juste que chaque bassin versant traite ses déchets à proximité, (et nous ne nous opposons pas à la reconstruction d'une unité de traitement des déchets à Ivry). Nous nous opposons au traitement à Ivry d’un tonnage supplémentaire de déchets (venant des bassins versants du 93).

- Enfin ce projet ne respecte pas les préconisations de la Directive-cadre européenne et du Grenelle de l'environnement sur les déchets en matière de hiérarchie du traitement des déchets, de réduction (ou prévention), de réutilisation et de recyclage[16].


Des alternatives existent[17]

1- Réduction des déchets, réutilisation et recyclage:

Elles consistent à mettre l’accent sur la réduction des déchets (ou prévention des déchets), la réutilisation (ressourceries, Emmaüs etc)  et l’amélioration des collectes sélectives en vue du recyclage, points sur lesquels l’Ile de France est très en retard par rapport au reste du pays et à d’autres régions européennes.

Ces alternatives ne sont pas suffisamment développées par le Syctom, qui ne dédie que 0,01 % de son budget annuel à la réduction des déchets.   En 2008, les usines du Syctom incinèrent 10 fois plus qu’elles ne trient et la Région est en surcapacité d'incinération. Même avec la construction de nouveaux centres de tri et la très légère diminution de l’incinération annoncée d’ici 2023 (1,4 millions de tonnes, contre 1,6 aujourd’hui), l’incinération restera le mode dominant de traitement des déchets des Franciliens.

2- Cette politique est en accord avec les politiques publiques (Directive cadre européenne, Grenelle de l'environnement) qui préconisent en priorité, et avec des objectifs chiffrés, la réduction des déchets et le recyclage, et non l'incinération, considérée comme une activité polluante et assujettie à ce titre à la TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes). Les capacités de réduction des déchets et de recyclage sont de 50% de la poubelle dans un avenir proche et vont jusqu'à 70 à 80% (voir les chiffres de l'Autriche et de la Communauté de communes de la Porte du Rhin en France).

Sont préconisés et encouragés entre autres:
- Le développement du compostage à la campagne comme à la ville (compostage individuel ou collectif en pied d'immeuble, dans les jardins partagés, etc…): 30 à 50% de la poubelle peut ne jamais devenir un déchet et être transformé en compost.
- la pesée embarquée ou redevance incitative (R.I.): ce système devrait se généraliser dans les prochaines années et faire payer l'usager selon le poids des déchets qu'il met dans sa poubelle. Ce système, fonctionne déjà dans certaines communes françaises et a permis de faire "maigrir" les poubelles jusqu'à 70 et 80% .
-des campagnes d'information sur le sur-emballage, comment l'éviter et des actions auprès de la grande distribution (aires de déballage).

3- Elle est aussi en phase avec les préoccupations environnementales, sanitaires et citoyennes des Français et des Franciliens, plus prêts qu'on ne le croit à appuyer des politiques hardies de prévention et de recyclage: ainsi tout le monde s'accorde à constater que les tests et essais faits dans les quartiers de Paris comme dans d'autres grandes villes rencontrent un succès inespéré et des résultats qui devancent les calendriers établis.

Par exemple, pourquoi avoir recours à la technologie du Tri mécano-biologique alors que 90 % des Français souhaitent être encouragés par leurs collectivités à moins produire de déchets et à mieux faire le tri… avec un accompagnement humain coûtant 100 fois moins cher que l’investissement technologique programmé pour Ivry.

4- Des alternatives existent aussi pour le chauffage urbain en Val de Marne[18]. Outre les économies d'énergie induites par une meilleure isolation et la construction HQE, le Val de Marne est une région à fort potentiel de géothermie: 70 000 logements sont déjà chauffés par ce procédé. Ce nombre pourrait être bientôt doublé et Ivry pourrait largement bénéficier de ces nouvelles capacités.

 En conclusion nous voulons:
- que le projet du Syctom tel qu'il se présente, sans aucune alternative étudiée, soit repoussé.
- qu'un projet alternatif voit le jour sur la base d'un dimensionnement de l'usine qui prenne en compte
. les objectifs fixés par la Directive-cadre européenne et le Grenelle de l'Environnement en matière de réduction des déchets et de recyclage (après correction des chiffres faux du PREDMA en matière de recyclage)
. les capacités d'incinération dans les environs proches d'Ivry
. la non extension du bassin versant d'Ivry
- qu'une étude sanitaire complète soit effectuée sur la pollution par l'incinérateur d'Ivry des quartiers environnant Paris, Charenton, Ivry, etc…

Nous proposons donc aux groupes politiques de s'engager pour une politique des déchets:
- rationnelle et cohérente avec les objectifs publics en la matière ;
- créatrice d’emplois (ambassadeurs de tri, métiers de la réparation, du réemploi et du compostage…)
- respectueuse du droit des habitants à vivre dans un environnement sain.

Nous les engageons à
- repousser par votre vote au Conseil municipal du 15 avril prochain le projet actuel du Syctom, pour qu'un projet alternatif puisse voir le jour, favorisant la réduction, la réutilisation et le recyclage au détriment de l'incinération.
- influer sur la présidence du Syctom pour qu'une réelle concertation ait lieu entre le Syctom, les institutions, et les associations; concertation marquée par la création d'un Comité permanent de concertation avec garant[19], qui permettra de retravailler avec les ingénieurs du Syctom et les bureaux d'études le cahier des charges de la future usine, et d'accompagner la mise en œuvre d'un projet alternatif.




[1] Projet du Maître d'ouvrage joint au dossier
[2] Voir les cahiers d'acteurs des associations "A Suivre" et "Passerelles" (Ivry), CLCV-Ivry, CNIID, Les Amis de la Terre, le 4 pages d'Attac Ivry-Charenton joints au dossier
[3] Fiche n° 1 sur la situation de la Taxe d'enlèvement sur les ordures ménagères à Ivry
[4] Source: Plan de prevention des déchets de la Ville de Paris
[5] Fiche n° 2 sur les finances du SYCTOM
[6] Annexe 1 "Les raisons d'un moratoire", dossier du CNIID et Annexe 1 bis
[7] La refonte de la réglementation, bloquée depuis des mois par le ministère, sera contraignante et plus stricte et pourrait amener les exploitants à stocker en décharge des mâchefers qui aujourd'hui sont utilisés sous les routes, d'où des coûts plus importants.
[8] Fiches n° 3 et 3 bis et 3 ter sur les rejets de l'incinérateur actuel d'Ivry ( particulièrement les fumées) et dans le projet du Syctom ( avec des différences imputables aux différences entre les 3 projets des 3 bureaux d'étude) 
[9] Fraction combustible résiduelle: déchets solides et non recyclables (plastiques et papier-cartons souillés) séparés des fermentescibles par T.M.B. dans le projet du Syctom. A noter que les papier-cartons souillés peuvent aussi être méthanisés comme dans les usines de méthanisation de Romainville et Aulnay sous Bois
[10] Voir le scandale de l'incinérateur d'Albertville et
Annexe 2 sur "Incinération et cancers" à propos de l'étude de l'INVS sur les effets des incinérateurs des années 80 et 90 sur les populations riveraines
[11] Fiche n° 4 sur le tri mécano-biologique, la méthanisation et les FCR
[12] Fiche n° 5 sur incineration et chauffage urbain
[13] Annexe 3 : Lettre à la CPDP de Monsieur Jacques Perreux, vice-président du Conseil général du Val de Marne,  demandant que le projet de reconstruction tienne compte des capacités d'incinération dans le Val de Marne et pas seulement des capacités d'incinération du SYCTOM. Des surcapacités d'incinération existent un peu partout en Ile de France. Le Syctom se plaint lui-même que des usines d'incinération cherchent à débaucher des communes adhérentes au Syctom. L'usine d'Ivry importe elle aussi depuis 1999, de plus en plus de déchets (100 000 tonnes aujourd'hui) du 93, preuve de sa sur-capacité par rapport à son bassin versant.
[14] Annexe 4 sur le scandale Eco-emballages: article de Novethic.fr de Anne Farthouat du 15/01/2010
[15] Fiche n° 6 sur l'extension du bassin versant d'Ivry
[16] Fiche n° 7 "Un projet qui ne respecte ni la directive-cadre européenne, ni le Grenelle de l'Environnement, ni le PREDMA (Plan régional d'élimination des déchets ménagers et assimilés)

[17] Annexe n° 5 sur les chiffres européens Eurostat concernant les déchets.
[18] Annexe n° 6 Article dans Val de Marne infos de janvier 2010 sur la géothermie dans le Val de Marne
[19] Fiche n° 8 sur le Comité permanent de concertation : s'appuyant sur la Charte de concertation du Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement adoptée en 1996 et applicable sur tous les projets qui touchent à l'urbanisme, à l'aménagement du territoire, à l'équipement des collectivités, à la préservation de l'environnement

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